L’HISTOIRE DES MENTALITÉS EN LITTÉRATURE: L’IMAGINAIRE DE LA CRÉATION AU XVIE SIÈCLE
Aннотация
Introduction
De nombreuses écoles critiques (comme le formalisme, les approches psychologiques, sociologiques, etc.), ont fait peser un soupçon sur les notions mêmes d’auteur et de sens dans l’œuvre littéraire. Ce soupçon, qui correspond à une crise de la pensée au XXe siècle, permet de mesurer combien il est anachronique d’aborder les textes des siècles passés avec un regard moderne. On peut ainsi aboutir à des interprétations totalement opposées d’une même œuvre. Les romans de Rabelais, par exemple, ont été étudiés à la lumière de son « athéisme » [1]; ou de son engagement évangéliste [2, 3, 4] ; ou à la lumière d’un combat social qui montrerait le triomphe du carnaval populaire contre la culture dominante [5], pour en arriver être le symbole d’une écriture ludique, jouissant du non-sens et de la contestation permanente des savoirs [6]. Ces contradictions proviennent de la différence de positionnement du sujet critique : si sa démarche d’analyse demeure ancrée dans son propre temps, il est normal que son discours en reflète d’abord la pensée et les problématiques, au lieu d’éclairer les textes prétendument analysés. Pour comprendre les textes du XVIe siècle, en effet, il convient de faire un effort de dépaysement épistémologique, pour retrouver autant que possible les processus exégétiques qui ont animé les auteurs et les lecteurs de l’époque étudiée [7]. Les démarches d’interprétations sont soumises à l’évolution des différentes épistémè au cours des siècles. Elles font partie d’un ensemble cohérent de représentations du monde, de l’homme, du sens (ou de la négation du sens pour les périodes modernes), c’est-à-dire d’un univers mental, que le critique doit tenter de cerner et de reconstituer, afin de lire les textes selon leurs critères de lecture.
De même qu’il existe un courant d’études des mentalités dans les disciplines historiques, il s’agit d’affiner une méthode de critique littéraire qui s’appuie sur l’analyse préalable des mentalités esthétiques, pour cerner les conditions de création des œuvres, leur système exégétique et la représentation que l’on se faisait de la valeur des œuvres et de leur fonction.
Nous voudrions proposer ici, après quelques remarques de méthode, des pistes pour mieux appréhender l’imaginaire de la création littéraire au XVIe siècle.
I. Remarques sur l’histoire des mentalités en littérature.
Les «mentalités» sont les systèmes de représentations qui, à une époque donnée, régissent les structures de l’imaginaire, des concepts et des représentations, ainsi que la manière dont on donne du sens, dont on conduit les chemins d’interprétation –ceux qui guident à la fois la création et la réception, dans un univers mental cohérent. Le critique doit d’abord identifier les sources de confusion entre son propre système de pensée et celui de la période étudiée de façon à analyser les textes avec les outils exégétiques et culturels qui étaient les leurs. Pour cela, il convient de réexaminer systématiquement les définitions de termes, de notions, les relations entre les concepts et les images, sans rien considérer comme « allant de soi ». Par exemple au XVIe siècle, les mots français sont très proches de leur sens étymologique, et en même temps la relation au langage reste créative puisque la langue elle-même est en pleine croissance et le chantier littéraire est ouvert à toutes les investigations. Le programme d’illustration des Lettres françaises de la Pléiade (Du Bellay, La Défense et illustration de la langue française, 1549), encourage l’innovation par l’imitation des Anciens, le travail sur une langue, qu’il faut corriger et «faire fructifier».
De plus, les notions, les images sont organisées selon un système de valeur spécifique. L’analyse des éléments notionnels et imaginaires se complète par celle de l’architecture générale des représentations. De même que dans le langage le vocabulaire se comprend par rapport à la syntaxe, qui organise un sens, dans les « mentalités » les éléments (thèmes, notions, etc.) s’articulent entre eux selon une hiérarchie des valeurs et une axiologie spécifique, qui met au premier plan certaines lignes de force et renvoie d’autres massifs dans l’ombre. Les études de thèmes sont donc incomplètes si elles ne tiennent pas compte des différentes mentalités qui leur donnent une nouvelle place et un nouveau sens. C’est ce paysage général, dans toutes ses dimensions, qui permet de lire et d’expliquer les œuvres dans leur contexte et selon leurs principes herméneutiques.
L’explication littéraire s’appuie ainsi sur une pluridisciplinarité qui met en relation l’ensemble des créations artistiques, littéraires, philosophiques et religieuses, et les conditions historiques, de façon à comprendre ce qui anime le geste de l’artiste, quel est son dessein, quels sont les enjeux de son œuvre. Il est révélateur d’étudier le travail de l’écriture poétique à partir des textes de réflexions sur la langue, et des débats idéologiques et spirituels, dont on trouve la trace dans les préfaces, les productions théoriques et culturelles contemporaines. Peu à peu se dessinent de nouveaux systèmes d’oppositions, de rapprochements, de renvois, ainsi que des questionnements sous-jacents, alors brûlants d’actualité, et invisibles pour un regard moderne.
Cette méthode se fonde d’abord sur l’analyse comparée et précise de textes contemporains. Christophe Bourgeois, dans son ouvrage Théologies poétiques de l’âge baroque, La muse chrétienne (1570-1630), 2006, a conduit une analyse croisée des poèmes et des pratiques de la parole religieuse (traités de dévotion, ouvrages mystiques, catéchétiques, commentaires et paraphrases). Il a pu repérer des types de discours « qui s’offrent au poète comme un matériau disponible pour sa propre composition ». Selon lui, les modèles de la méditation ou du sermon, les mécanismes herméneutiques déployés par tel ou tel commentaire, importent davantage «que les modèles symboliques censés être communs à tous ces textes. D’une certaine manière ils nous font entrer dans l’atelier de la Muse chrétienne, si l’on veut bien être attentif aux mécanismes complexes qui régissent la transposition en vers d’un motif issu d’un traité, d’une méditation patristique ou d’un commentaire homilétique» [8]. De la même façon, Guy Demerson [9] montre à propos de Rabelais que la pratique franciscaine des sermons parodiques, de l’ironie et l’autodérision, exercée au sein de la vie fraternelle ecclésiale, dans une visée purificatrice et spirituelle, explique la fonction mystérieuse du «rire» et du jeu dans l’œuvre rabelaisienne, et d’une certaine façon permet de dépasser les contradictions de la critique que nous avons soulignées en introduction.
Quelles sont les notions déterminantes et complémentaires pour commencer à dessiner une « mentalité » ? On peut en distinguer deux particulièrement révélatrices : la conception de l’homme (dans son rapport au monde, à Dieu, dans la définition qu’il donne de lui-même) et sa conception des relations entre le signe et le sens. Or, les textes littéraires sont précisément les lieux d’exploration privilégiés de ces problématiques, et offrent à déchiffrer un système herméneutique en acte.
Il nous faut donc commencer par poser les jalons d’un imaginaire de l’écriture littéraire.
2. L’imaginaire de l’écriture.
Le XVIe siècle en France est une époque de renouvellement de la pensée mais aussi de crise [10]. Les Réformés apportent un nouveau modèle anthropologique et sémiotique qui fait débat. Pour eux, il y a rupture entre le signe et le sens, entre l’homme et Dieu, alors que les catholiques valorisent la continuité mystérieuse qui les réunit. La critique calviniste de l’art, qui distrairait l’homme de sa piété, oblige toujours plus les poètes des deux confessions à justifier leurs choix d’écriture et à en analyser les enjeux théologiques. Si, pour certains auteurs, les sources religieuses ont été largement étudiées (Marguerite de Navarre, Rabelais, M. Scève, Marot), pour d’autres, notamment les auteurs de la Pléiade, elles ont été souvent négligées, la critique ayant plutôt favorisé la recherche des sources antiques; or, les sources scripturaires et patristiques permettent d’éclairer considérablement leur création.
Les références aux textes antiques sont à déchiffrer par rapport à la conception de l’histoire humaine universelle: elles sont transformées et réorientées en fonction de perspectives spirituelles, éthiques et métaphysiques. Car l’univers mental du XVIe siècle, comme celui du Moyen Age, est beaucoup plus cohérent que le nôtre. Tout a un sens, tout est plein de signes et de symboles. Les humanistes cherchent à trouver les clefs de lecture qui permettraient d’articuler et de lier l’Antiquité et la modernité, le profane et le sacré.
Si les protestants critiquaient les références antiques, c’était dans une entreprise de transformation de la parole littéraire par la substitution de tous les modèles anciens par les seules sources bibliques, et non parce qu’ils auraient cru que les catholiques étaient devenus païens au sens propre. Ils valorisaient un modèle littéraire substitutif, au nom de la vraie foi ; tandis que les catholiques valorisaient un modèle littéraire d’unification et de transformation des sources antiques. Marc Fumaroli montre que la fin du Concile de Trente ouvre un véritable «atelier» de rhétorique, qui s’appuie à la fois sur les auteurs antiques et sur Saint Augustin et les Pères de l’Eglise. Le cardinal Charles Borromée réunit à Rome une Académie des Nuits Vaticanes pour chercher une voie de conciliation où l’éloquence profane soit au service de la foi, une rhétorique dont l’unité soit fondée sur l’inspiration intérieure. Les jésuites à la fin du XVIe siècle font une place encore plus large aux modèles antiques et à la culture universelle. Ainsi, « paradoxalement, le recul du «cicéronianisme», le rejet d’un culte «païen» et exclusif de la forme, s’accompagnent d’un véritable triomphe de l’éloquence, élevée à la dignité d’office sacerdotal et apostolique. Préparée par la pédagogie rhétorique des collèges et des séminaires, répandue sur un immense public par une armée de prédicateurs, cette Eloquence sacrée est par principe la rivale sinon l’ennemie des Belles Lettres profanes et modernes. Mais elle doit s’appuyer, pour plaire autant qu’instruire, sur le modèle des Belles lettres profanes de l’Antiquité, elle associe la théologie et le « bien dire » en langue vulgaire… » [11].
La poésie, quant à elle, est particulièrement apte à devenir ce creuset de conciliation mystérieuse. Or ce point a été source de confusion pour des générations de lecteurs modernes, croyant que le recours à l’Antiquité païenne signifiait un reniement ou une opposition à la culture chrétienne. Ronsard a été apprécié pour ce qu’on imaginait être une liberté d’esprit, parce que ses ouvrages sont imprégnés de mythologie. Paul Laumonier a (toujours au début d’un XXe siècle qui se plaisait à renier la religion chrétienne), relevé soigneusement, dans les notes de son édition des œuvres de Ronsard, les références aux auteurs antiques, et éludé celles qui renvoient aux textes bibliques, liturgiques et patristiques. Or, la dimension religieuse, l’autre grand pan de la culture humaniste (aussi important que le modèle classique), permet de résoudre bien des ambiguïtés ou contradictions apparentes, car les ressources de la pensée antique étaient utilisées dans une perspective d’évolution des civilisations, et mises au service de problématiques nouvelles.
La «Renaissance» des Lettres antiques s’est faite d’abord dans la perspective exégétique «typologique» héritée de la Tradition patristique, avec une tentative synthétique d’unification des savoirs à la lumière de la révélation chrétienne (c’est l’entreprise, entre autres, d’un Marsile Ficin), et d’une réintégration des sagesses antiques dans un vaste courant de «reductio ad sacram scripturam», qui accomplit une sorte de «rédemption» de toutes les cultures humaines, dans la mesure où elles avaient à leur manière et avec leurs limites, progressivement pressenti les prémices de la Vérité, et préparé les hommes à la recevoir. Loin d’être le signe d’un retour au paganisme, la résurgence de l’antiquité est canalisée et orientée. Guillaume Budé, montre comment, dans le transitus ou le passage d’une civilisation à une autre, s’opère une sorte de purification baptismale (De transitu hellenismi ad Christianismum, 1535). Le dessein humaniste est celui d’une thérapie de la mémoire où les fils de l’histoire seraient renoués dans une même aventure humaine.
L’originalité dans la création telle que la conçoivent les modernes, c’est-à-dire l’inédit, ce qui rompt avec la tradition, n’est pas intéressant au XVIe siècle. Le texte à la Renaissance est conçu comme tissé d’autres textes, dont il se nourrit, qu’il transforme et avec lesquels il dialogue, comme en témoignent la poétique de la Pléiade, les discours construits autour de citations, les «farcissures» de Montaigne [12]. C’est la visibilité de cette trame textuelle qui donne sa beauté et sa profondeur au texte, et c’est dans cette profondeur que le poète travaille, à la face des peuples et de l’histoire universelle. Inventer quelque chose d’inédit ne peut se faire qu’à partir de ce travail subtil d’orchestration de résonances complexes.
L’un des paradoxes de cette littérature du XVIe siècle peut être résumé dans la formule saisissante de Du Bellay: «Et puis je me vante d’avoir inventé ce que j’ay mot à mot traduit des aultres» [13]. L’inspiration, selon Du Bellay et la Pléiade, provient à la fois de la fureur et du travail, les deux étant en échange permanent. Dorat formait ses élèves à une lecture «généalogique» des textes, en montrant comment les auteurs latins s’étaient approprié les textes grecs, et, par-delà, ceux des civilisations précédentes. On se plaisait à l’idée que le flambeau de la civilisation, selon la translatio studii, venue de la renaissance italienne, suivît un schéma historique ascensionnel, chaque civilisation (successivement l’Egypte, la Grèce, Rome, l’Italie, la France…) vivant une étape de gloire, puis de décadence, après laquelle la suivante en reprenait les acquis et les portait à un degré supérieur... Les jeunes poètes voulaient participer au renouveau de la société, aux côtés du Prince, contre les risques de régression à la barbarie, dans une mission de sauvegarde la civilisation et de l’humanité tout entière. Ecrire signifiait pour eux entrer dans l’immense concert polyphonique des paroles humaines au cours des siècles [14].
Nous devons mesurer l’impact de cet imaginaire. La notion d’imitation ou d’« innutrition » suppose qu’une transformation s’opère dans la personne même du poète pour donner naissance à un texte organique et « vivant », qui à son tour produise de la vie chez le lecteur. Les métaphores sont révélatrices : les Romains, dit Du Bellay, « Immitant les meilleurs aucteurs Grecz, se transformant en eux, les devorant, et après les avoir bien digérez, les convertissant en sang et nourriture », en reprenaient les plus beaux traits et les vertus, «et icelles comme grephes, entoient [greffaient] et apliquoient à leur Langue» [15]. L’imprégnation des plus beaux textes fait partie d’une véritable initiation du poète, et son travail devient une ascèse [16]. L’œuvre est perçue de façon quasi biologique : le poète a pour mission de soigner, de cultiver la langue comme un jardinier. Ainsi qu’Adam, placé dans le Jardin pour le cultiver, le poète humaniste doit collaborer à l’œuvre divine de transformation du monde et de lui-même [17]. Or, l’étude des lettres, selon Guillaume Budé est le moyen privilégié pour l’homme d’«accomplir» son humanité : sans elles, dit-il, les Romains «estimaient en effet que …les hommes n’étaient guère capables d’accomplir et de conserver leur humanité» [18]. Les studiae humaniores permettent de devenir «davantage» homme. Car, «On ne naît pas homme, on le devient» selon la formule d’Erasme [19]. L’image de la greffe du travail poétique rejoint celle de l’inspiration, puisque l’homme est directement relié à la source divine qui lui donne l’Etre en permanence.
Entre le Verbe de Dieu et la poésie, il existe une connexion mystérieuse qui donne une efficacité indirecte à la parole poétique, et oblige l’homme à en user pour l’harmonie et la paix. Ronsard rappelle la dimension métaphysique et spirituelle de la poésie, Prisca theologia, -dans un passage repris par tous les arts poétiques jusqu’à la fin du siècle-: «la Poësie n’estoit au premier aage qu’une Theologie allegoricque» [20], donnée à l’homme de façon à devenir compréhensible, au travers d’un processus d’enrichissement de la parole. Les premiers poètes «divins» ont développé les messages succincts des oracles, prophètes, etc., pour habituer l’imaginaire à la révélation de Dieu : «ce que les oracles disoyent en peu de motz, [ils] l’emplifioyent, coloroyent, et augmentoyent». Puis, vinrent les poètes «humains» (Virgile, Horace…), qui ont transmis les «fables» en prenant au sens propre ce qu’il fallait interpréter en sens allégorique,… C’est l’origine du paganisme: «Les Muses, Apollon, Mercure, Pallas et autres telles déitez ne nous représentent autre chose que les puissances de Dieu, auquel les premiers hommes avoyent donné plusieurs noms pour les divers effectz de son incomprehensible majesté». Pour Ronsard, le poète peut recevoir l’inspiration par contiguïté, au travers des textes inspirés, car il peut désormais sous les déviations païennes dont ils ont été l’objet, en lire le message profond (cf son Hymne de l’Hercule chrestien). Il existe selon lui une véritable contagion de l’Inspiration – et de la révélation-, du poète au lecteur, grâce à la puissance sacrée qui émane encore du texte, comme par une chaîne aimantée. L’image vient de Platon [21]. L’intertextualité est ainsi l’équivalent, dans le domaine de la poésie, de la ruminatio des textes sacrés que saint Augustin conseillait aux moines comme préparation spirituelle. L’écriture a bien pour enjeu une transmutation et une métanoïa. Sans cette dimension, ne restent que des «versificateurs», selon les termes méprisants de Ronsard et Du Bellay. Les poètes de la Pléiade veulent créer une parole «mythique», c'est-à-dire qui laisse entendre le déploiement des significations dans l’architecture des strates textuelles, jusqu’à l’infini.
Le but recherché est toujours une révélation intérieure chez le lecteur, dont on sait qu’elle excèdera le seul dessein du poète, car le texte n’appartient à personne, et demeure un outil au service de la croissance personnelle de chacun. Les formes sont d’une importance relative par rapport à ce dessein heuristique supérieur (les genres ne sont pas encore fixés, les règles ne seront élaborées qu’au XVIIe siècle). La figure de la «pointe» est souvent utilisée dans le sonnet pour provoquer un choc, une surprise, qui oblige à relire l’ensemble avec un autre regard. La lecture permet l’apprentissage infini de points de vue et de la clarification des chemins de vérité. Loin de l’illusion de la mimesis de la première renaissance, qui prétendait donner accès au réel, comme par une fenêtre ouverte, l’homme du XVIe siècle pense qu’il ne peut atteindre la vérité que de biais, c’est-à-dire par la prise en compte des déformations subjectives qui garantissent aussi l’authenticité de la révélation au cœur de l’homme.
Le maniérisme et le baroque organisent partout une dramatique de l’interprétation. Ces esthétiques, si souvent décriées pour leur goût de l’artifice, disposent une réfraction des textes entre eux (maniérisme) ou une dynamique puissante (baroque) pour engager et soutenir le lecteur dans une quête du sens au-delà de toutes les illusions. Une des difficultés pour le lecteur moderne est de comprendre combien les hommes de ce temps prenaient au sérieux le pouvoir de la parole, et la quête du sens, que notre époque a si facilement évacué.
Conclusion
Ainsi, les textes du XVIe siècle doivent être analysés à partir de leur propre conception de la création poétique. L’histoire des mentalités esthétiques permet de lier des domaines jusqu’ici séparés, et de comprendre la cohérence de ce qui semble contradictoire au premier abord. La notion d’auteur permet de replacer le texte dans un ensemble de représentations humaines, subjectives, et de reconstituer les réseaux sémantiques d’une société. Le lecteur moderne découvre alors une littérature qui prend au sérieux, plus qu’il ne l’aurait pensé, l’efficacité de la parole et la richesse de ses résonances spirituelles. Les œuvres de la Pléiade par exemple organisent une polyphonie signifiante, à partir d’une multiplicité de sources, pour les offrir à la purification et à la régénération. Les auteurs donnent un sens à cette histoire universelle. Pour eux, les cultures sont appelées à se rejoindre, comme les paroles poétiques, dans un dialogue infini, une mise en harmonie d’échos intertextuels, qui dessinent un chemin de sens et d’unité, et contribuent au dévoilement de la vérité en chaque lecteur.
Список литературы